GÉNOME - Génome mitochondrial

GÉNOME - Génome mitochondrial
GÉNOME - Génome mitochondrial

Trois types de génomes mitochondriaux sont connus à l’heure actuelle. En premier lieu celui des levures (75 000 paires de bases) et des plantes (de dimension variable et bien supérieure) où les gènes sont dispersés dans des zones non codantes riches en adénine et thymine ou guanine et cytosine. Ensuite celui du genre drosophile où les gènes serrés les uns contre les autres (14 400 paires de bases) jouxtent une zone riche en adénine et thymine non codante qui peut varier de 1 000 à 5 000 paires de bases selon les espèces et qui contient les signaux origines de réplication et transcription. Enfin celui de l’homme, du bœuf et de la souris où les gènes sont serrés les uns contre les autres (environ 16 500 paires de bases) à l’exclusion d’une courte séquence de 600 nucléotides contenant une des origines de réplication et les origines de transcription.

1. Génome des mitochondries de levure

Les mutants mitochondriaux

Vers les années 1946-1948, Boris Ephrussi observait qu’une culture de levure diploïde ou haploïde donne après repiquage, dans les quelques jours qui suivent, une colonie identique aux cellules mères sauf, dans quelques cas, 1 à 2 p. 100 de cellules plus petites. Les mutants «petite colonie» ne donnent que des petites colonies. La mutation est irréversible. Le traitement des cellules de la souche sauvage par l’acriflavine fait passer le taux de mutation de 1-2 p. 100 à 100 p. 100. Ces mutants poussent lentement car ils ne peuvent respirer, leur métabolisme est uniquement fermentaire, ils ont perdu la capacité de synthétiser un certain nombre d’enzymes respiratoires. Le croisement de la souche sauvage avec les mutants «petites colonies» montre une ségrégation non mendélienne de la mutation. Après toutes ces observations, Ephrussi devait arriver à la conclusion que la souche sauvage et les mutants «petites colonies» diffèrent par l’absence, dans le dernier cas, d’unités cytoplasmiques requises génétiquement pour la synthèse de certains enzymes respiratoires. À une époque où les mitochondries étaient à peine connues, c’était l’acte de naissance de la génétique mitochondriale . En 1968, on devait démontrer que la mutation «petite colonie» est due à une altération importante de l’ADN mitochondrial. Cette molécule contient 75 000 paires de bases. Les gènes identifiés à ce jour (fig. 1) sont insérés dans des zones non codantes dont les nucléotides sont riches en adénine et thymine ou, de façon plus localisée, en guanine et cytosine: la mutation «petite colonie» correspondrait à une excision et amplification de fragments d’ADN terminés par des séquences CCGG, GGCC. Ces séquences ne contiennent pas de gènes, mais peuvent être repliquées dans la matrice mitochondriale. Les mutants «petites colonies» constituent les souches 福-. Leur quantité d’ADN mitochondrial est identique à celle des souches sauvages 福+ (des mutants 福0 existent, ils ont perdu totalement leur ADN mitochondrial).

Les mutants 福- ne sont pas les seuls mutants mitochondriaux. De nombreuses mutations avec résistance aux antibiotiques ont été identifiées, elles affectent des sites d’inhibition très divers: les ribosomes (mutants résistant au chloramphénicol par exemple), l’ATP synthétase (mutants résistant à l’oligomycine), le complexe III de la chaîne respiratoire (mutants résistant à l’antimycine). Des mutations peuvent enfin intervenir dans les gènes qui codent pour les composants indispensables à la synthèse protéique mitochondriale (ARN ribosomaux et de transfert): ce sont les mutants Syn-. Dans le cas où ce sont les gènes codant pour les protéines synthétisées dans les mitochondries qui sont affectés, ce sont les mutants mit-.

Ces mutants ont été très précieux. En combinant techniques génétiques d’établissement des cartes génomiques et analyse séquentielle des fragments de restriction de l’ADN mitochondrial des mutants, ils ont permis de localiser les gènes (fig. 1).

Le génome mitochondrial de levure se caractérise non seulement par une dispersion des gènes connus dans de vastes zones non codantes mais aussi par une structure en mosaïque avec exons et introns dans certains gènes (ceux de l’ARNr 21 S, de la sous-unité 1 de la cytochrome oxydase, de l’apocytochrome b). Les exons codent pour des parties de la protéine et vont s’associer pour constituer l’ARNm qui sera traduit dans le cytoplasme (fig. 1); les introns sont constitués de séquences codantes et/ou de séquences non codantes: les séquences codantes des introns contrôlent la synthèse d’enzymes, les maturases , qui interviennent dans l’excision et l’épissage des exons à partir du transcrit primaire. Ce résultat remarquable a été obtenu dans le laboratoire de Piotr Slonimski à Gif-sur-Yvette.

Les interrelations entre génome nucléaire et génome mitochondrial

Des systèmes multienzymatiques comme la cytochrome oxydase, l’ATP synthétase ont des sous-unités protéiques codées par le génome nucléaire et d’autres par le génome mitochondrial [cf. MITOCHONDRIES]. Comment sont coordonnées les synthèses entre les deux génomes? Comment se fait l’assemblage dans la membrane entre les deux types de sous-unités?

Là encore, les études faites avec les levures ont permis d’apporter des éléments de réponse. Outre les mutants mitochondriaux obtenus avec ces organismes, on peut trouver des mutants nucléaires chez lesquels sont affectés des gènes codant pour les protéines mitochondriales. Des mutants nucléaires ont été obtenus par exemple pour des protéines de la chaîne respiratoire, de l’ATP synthétase, des enzymes catalysant la synthèse du noyau hémique des cytochromes. Le très grand nombre de mutants isolés a permis d’estimer à au moins 1 000 le nombre de gènes nucléaires impliqués dans la biogenèse des mitochondries. On connaît par exemple des mutants nucléaires de levure qui n’ont pas de sous-unité 2 ou de sous-unité 3 de la cytochrome oxydase que code pourtant le génome mitochondrial: des protéines synthétisées dans le cytoplasme moduleraient par conséquent l’expression du génome mitochondrial.

Le contrôle étroit du génome nucléaire sur l’expression du génome mitochondrial ne fait aucun doute. Une autre question peut cependant se poser: l’expression du génome mitochondrial module-t-elle l’activité des gènes nucléaires codant pour des protéines mitochondriales? Pour vérifier cette hypothèse on peut par exemple inhiber la synthèse mitochondriale par le chloramphénicol dans des cellules de levures et voir ce qui se passe quant à la biogenèse des protéines mitochondriales codées par le génome nucléaire (sous-unités 4, 5, 6 et 7 de la cytochrome oxydase). Une situation analogue est celle des mutants «petites colonies» 福-. On constate que, dans les deux cas, des protéines mitochondriales s’accumulent soit dans le cytoplasme soit sur la membrane de l’organite, mais sans que ces protéines s’intègrent à celle-ci. La synthèse mitochondriale serait donc essentielle pour l’insertion des protéines dans la membrane.

2. Génome mitochondrial humain

Organisation

Le génome mitochondrial humain est très semblable à celui des mammifères supérieurs (souris, bœuf). C’est une molécule d’ADN double brin de 16 569 paires de base. Il se caractérise par une extrême compacité: tout l’ADN est codant à l’exception de la zone contenant les origines de transcription, l’origine de réplication de l’un des brins et la boucle de déplacement (D loop ). Il n’y a pas de zones non codantes entre les gènes, pas d’introns à l’intérieur des gènes et certains gènes se chevauchent (gènes ATPase 8 et ATPase 6, gènes ND4 et ND4L). Certains gènes n’ont même pas de codon d’arrêt complet. Tous les gènes sont identifiés (fig. 2): 2 ARNr, 22 ARNt et 13 gènes codants pour des protéines appartenant aux complexes I, III et IV de la chaîne respiratoire et à l’ATP synthétase (tabl. 1). Le code génétique présente quelques exceptions dans les mitochondries, et ces exceptions diffèrent d’un type de mitochondrie à l’autre (tabl. 2). Cela a probablement constitué un avantage sélectif qui a permis aux mitochondries de maintenir leur autonomie génétique au sein de la cellule.

Expression

La réplication de l’ADNmt se fait en continu tout au long du cycle cellulaire. Elle est catalysée par l’ADN polymérase 塚, qui est une protéine d’origine nucléaire et qui intervient spécifiquement dans les mitochondries. La synthèse d’un nouveau brin H se fait en utilisant le brin L comme matrice. Son origine de réplication se trouve dans la zone de la boucle de déplacement (fig. 3). Cette synthèse s’effectue de façon unidirectionnelle, dans le sens des aiguilles d’une montre. Elle s’arrête lorsque la zone de l’origine de réplication du brin L est atteinte, et commence alors la synthèse du nouveau brin L pendant que se termine celle du nouveau brin H.

La transcription est catalysée par une ARN polymérase spécifique des mitochondries et d’origine nucléaire sur le plan génétique. Il y a synthèse de trois transcrits primaires: le transcrit de la totalité du brin L, qui sera ensuite clivé en ARNt et ARNm de ND6, un transcrit du brin H couvrant les ARNr et les ARNt phe ala et val, un transcrit du brin H couvrant l’ensemble des gènes de ce brin. Il y a une inégalité transcriptionnelle pour le brin H: la transcription des gènes ribosomaux est environ de quinze à soixante fois plus importante que celle des autres gènes. Les ARNm résultant du clivage des transcrits primaires ont des durées de vie variables: la demi-vie de l’ARNm du gène ND6 est de 7 minutes alors que les ARNm du brin H ont des demi-vies allant de 25 à 90 minutes.

La traduction des ARNm mitochondriaux en protéines se fait dans la matrice. Les 22 ARNt sont suffisants pour cette traduction. Les acides aminés et toutes les protéines indispensables à la traduction viennent du cytoplasme.

Les mutations dans l’ADNmt et leurs conséquences pathologiques

L’ADNmt est particulièrement sensible aux agents mutagènes (de dix à vingt fois plus que l’ADN nucléaire). Il est peu protégé par des protéines et la matrice mitochondriale accumule facilement les cations ou anions mutagènes en raison de la présence du gradient de potentiel électrochimique de part et d’autre de la membrane interne. Par ailleurs, les accidents survenant au moment de la réplication peuvent difficilement être réparés, aucun système de réparation n’ayant été mis en évidence.

Les myopathies ou cytopathies mitochondriales résultant des mutations sont à hérédité maternelle, puisque seule la mère transmet à sa descendance son stock mitochondrial présent dans l’ovocyte. On constate généralement dans la descendance un phénomène d’hétéroplasmie se traduisant dans les cellules par un certain pourcentage d’ADNmt muté coexistant avec de l’ADNmt normal. La pathologie est généralement d’autant plus marquée que cette proportion est élevée.

Mutations ponctuelles

Les mutations ponctuelles affectent un seul nucléotide. Cela peut être le cas d’un gène d’une protéine impliquée dans les phosphorylations oxydatives. Dans la maladie de Leber (neuropathie optique héréditaire), caractérisée par la perte rapide bilatérale de la vision centrale après la puberté, il a pu être découvert, au moins dans deux tiers des cas, une mutation ponctuelle entraînant le remplacement d’une arginine par une histidine dans la protéine ND4 du complexe I.

Dans le cas de l’épilepsie myoclonique avec fibres rouges en lambeaux (MERRF), se traduisant par des anomalies dans les réponses visuelles et à l’électroencéphalogramme dans les cas les plus légers, on a pu détecter une mutation ponctuelle dans le gène codant pour l’ARNt lysine. La synthèse des protéines est ainsi affectée, surtout celle des protéines comme ND1, ND2, ND5, riches en lysine.

Les délétions

Le syndrome de Kearns-Sayre est caractérisé par une ophtalmoplégie externe progressive, une rétinite pigmentaire et des troubles de la conduction cardiaque. Il y a des fibres rouges en lambeaux dans le tissu musculaire. Ce syndrome est le plus souvent corrélé avec des délétions de l’ADNmt allant de 1,3 à 8,8 kb, soit, dans ce dernier cas, la moitié du génome mitochondrial. Les délétions sont souvent rencontrées entre les deux origines de réplication, là ou s’effectue la synthèse du nouveau brin H. Ces délétions vont ainsi affecter les gènes des complexes I, III ou IV, les gènes ATPase 6 et 8 selon la longueur de la délétion.

Les duplications

Dans diverses pathologies, certains gènes sont dupliqués (ND1, ND2, ARN 12S et 16S., plusieurs ARNt).

Encyclopédie Universelle. 2012.

Игры ⚽ Нужно решить контрольную?

Regardez d'autres dictionnaires:

  • Génome mitochondrial — Les mitochondries sont des organites présents dans la grande majorité des cellules eucaryotes qui seraient issues de l endosymbiose d une alpha protéobactérie il y a environ deux milliards d années (Théorie endosymbiotique). Les mitochondries ont …   Wikipédia en Français

  • Génome mitochondrial humain — Le génome mitochondrial désigne l ensemble du matériel génétique des mitochondries. Ce génome est particulièrement bien connu chez l homme, car il offre de nombreuses applications. En effet, il est impliqué dans certaines maladies génétiques, il… …   Wikipédia en Français

  • Genome, mitochondrial — All of the genetic information contained in the chromosome of the mitochondrion, a structure located in the cytoplasm outside the nucleus of the cell. The nucleus houses the better known chromosomal genome, our complement of chromosomes. The… …   Medical dictionary

  • GÉNOME - Génome plastidial — Une plante verte contient trois types d’organites, le noyau, les mitochondries et les plastes qui répliquent, transcrivent et expriment leur information génétique de manière coordonnée. L’existence d’une hérédité extranucléaire liée à un organite …   Encyclopédie Universelle

  • Genome — Génome De l ADN à la vie. Le génome est l ensemble du matériel génétique d un individu ou d une espèce codé dans son ADN (à l exception de certains virus dont le génome est porté par des molécules d ARN). Il contient en particulier toutes les… …   Wikipédia en Français

  • Genome humain — Génome De l ADN à la vie. Le génome est l ensemble du matériel génétique d un individu ou d une espèce codé dans son ADN (à l exception de certains virus dont le génome est porté par des molécules d ARN). Il contient en particulier toutes les… …   Wikipédia en Français

  • Génome nucléaire — Génome De l ADN à la vie. Le génome est l ensemble du matériel génétique d un individu ou d une espèce codé dans son ADN (à l exception de certains virus dont le génome est porté par des molécules d ARN). Il contient en particulier toutes les… …   Wikipédia en Français

  • Genome (disambiguation) — Genome may refer to:*Genome the totality of genetic material carried by an organism **Human genome **Mitochondrial genome * Genome (book) a 1999 popular science book by Matt Ridley * Genome (journal) the scientific journal of the Genetics Society …   Wikipedia

  • Mitochondrial — Mitochondrie Mitochondries observées en microscopie électronique à transmission …   Wikipédia en Français

  • Génome — De l ADN à la vie. Le génome est l ensemble du matériel génétique d un individu ou d une espèce codé dans son ADN (à l exception de certains virus dont le génome est porté par des molécules d ARN). Il contient en particulier toutes les séquences… …   Wikipédia en Français

Share the article and excerpts

Direct link
Do a right-click on the link above
and select “Copy Link”